C’est sous un agréable ciel ensoleillé que nous avons découvert le musée ouvert depuis peu (12 janvier dernier), dans une belle et sobre bâtisse, jadis Palestra della Gioventù Italiana del Littorio, rénovée et aménagée afin de présenter au public, dans ce qui était la salle de Gymnastique, cet immense cadastre en marbre de la Rome antique, la Forma Urbis Romae ou Forma Urbis Marmorea (dite la FUM).
Ce musée jouxte le Parc Archéologique du Caelius, espace à ciel ouvert dans lequel nous a été présenté un bel ensemble lapidaire épigraphique et architectural, judicieusement organisé par thèmes.
Pour accéder à ces lieux, on emprunte à pied la Viale Parco del Celio, sans chemin formel, en longeant les voies du tramway traversant le parc en surplombant la Via di San Gregorio séparant le Celio du Palatin : ce parcours vagabond permet d’observer un autre grand édifice désaffecté, l’ancien Antiquarium municipal où étaient déposés les vestiges désormais présentés dans le musée et le Parc.
L’accueil au Musée a été efficace, tant par Benoit que par le personnel qui a procédé sans délais aux formalités d’obtention pour les non possesseurs de la Mic Card. Une petite librairie propose d’intéressants ouvrages en cohérence avec l’esprit des lieux, tels des recueils d’estampes sur les édifices romains, sur la vie de Septime Sévère ordonnateur de la Forma Urbis, des albums pour enfants ou le Guide du Parc et du Musée.
Puis, sous la conduite de Simona, nous avons appris que ce plan de marbre reprenait des éléments de plans antérieurs (sous Auguste-Agrippa notamment), qu’il était accroché sur le mur d’une salle du Temple de la Paix édifié sous Vespasien vers 75 d.C., dévasté en 192 d.C. mais rénové par Septime Sévère entre 203 et 211 d.C., année du décès de l’empereur.
Ce mur, encore en élévation, est intégré dans la basilique des Saints Cosme et Damien. On peut y observer les trous d’ancrage des tiges métalliques de la Forma Urbis et avoir une bonne idée de son imposante taille : 13 mètres de hauteur sur 18,10 mètres de largeur soit 235 m2. La base du plan se situant à une hauteur de 4 mètres, le dessus était à 17 mètres ! Il était donc difficilement lisible et exploitable administrativement (ex. fiscalité) et plutôt destiné à exalter la grandeur de la nouvelle Rome sévérienne.
Ce cadastre, composé de 150 plaques de marbre, d’épaisseurs variables, représentait tous les bâtiments publics et privés de la ville de Rome au 1/240°. Les dalles ont été incisées ; les murs sont représentés par des traits simples, ceux des édifices plus importants par des doubles traits, les piliers par des carrés, les colonnes par des trous circulaires. Le plan n’était pas légendé, hormis les mentions écrites de certains monuments ou espaces publics, servant de repères topographiques (ex. HORREA LOLLIANA entrepôts situé dans la zone du Testaccio). Certains symboles restent donc énigmatiques (une étoile) ou hypothétiques : les signes V dans certaines maisons pourraient indiquer la présence d’un étage et les traits entre les branches du V le nombre de ceux-ci. Nous aurions dans ce cas un plan en trois dimensions.
De ce cadastre nous sont parvenus 1186 fragments représentant un gros dixième de la ville antique, dont environ 600 n’ont pas été localisés. Les dalles de marbre ont sans doute commencé à être récupérées dès la fin de la Rome antique pour être réemployées ou transformées en chaux. A la Renaissance, les fragments subsistants ont été collectionnés par la famille Farnese (acquisition en 1562), ayant donné lieu au cours des siècles à des évènements assez rocambolesques. Depuis de nouveaux fragments sont régulièrement découverts, en attente de découvertes liées aux travaux en cours du métro.
Dans le musée, ce puzzle géant a pour support le plan dit de Nolli. Il s’agit d’un plan de Rome de 1748 réalisé par Giambattista Nolli, géomètre et architecte. Il présente d’une part l’intérieur de tous les édifices importants, d’autre part la reconstitution au sol de l’emprise de monuments antiques. Aussi le choix de ce plan est-il particulièrement adapté pour y positionner et y juxtaposer les fragments antiques, après agrandissement à l’échelle de la Forma Urbis. Le plan est recouvert par des dalles de verre qui permettent la déambulation et l’observation par transparence, bien documentée par notre guide Simona.
La visite s’est poursuivie dans le parc à l’extérieur, où les vestiges sont présentés en parcourant des aires dédiées, au sacré, au monumental public, au funéraire et à l’architecture. Ainsi nous avons pu observer l’architrave d’un petit temple (di Fortuna Muliebre) célébrant la vertu civique d’une matrone attestant un culte féminin grâce à la mention de Giulia Domna, la remarquable épouse de Septimus Severus, la tombe monumentale de Galba, riche aristocrate romain, qui est représentée sur la Forma Urbis près d’Ostiense, une borne milliaire ancêtre de nos bornes kilométriques, des blocs de marbres colorés dont le prestigieux rouge provenant d’Egypte, et même un rare anemoscopio , une « rose des vents » personnifiés aux visages sculptés dans le marbre. Cette diversité non exhaustive mérite une visite en soi. Peut-être quand la Casina del Salvi, édifiée en 1935 par l’architecte Gaspare SALVI pour le compte du Pape Gregorio XVI et actuellement fermée aura retrouvé comme envisagé sa vocation initiale de « café » à l’intérieur du Parc, à l’instar de la Casina Valadier sur le Pincio dont il s’était inspiré ? Le roman du Parco del Celio ne fait que commencer…
Philippe Troncin
Liens vers Temple de le Paix et Forma Urbis Etat de la recherche
https://fr.wikipedia.org/wiki/Forum_de_la_Paix
https://www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2007-3-page-133.htm